Le signal est lancé. Le leader des produits d'hygiène et de santé, Essity, plus connu pour ses marques Lotus, Okay ou TENA, tire la sonnette d'alarme : depuis plusieurs mois, il subit la hausse des coûts des matières premières, du transport et de l'énergie, soit une facture alourdie de 30 %.
Alors que les négociations commerciales débutent avec les grandes enseignes pour 2022, il réclame une hausse des tarifs - à deux chiffres-, pour son papier toilettes et ses autres produits (incontinence, hygiène féminine, cotons à démaquiller…).
« La vague est tellement forte que la grande distribution doit accepter de refléter cet impact, et partager l'effort avec nous industriel en prenant à sa charge une partie de la hausse », indique Arnaud Lafleur, le vice-président France, Belgique, Italie. Et ce pour que l'effet sur le pouvoir d'achat des consommateurs soit limité.
Un bond de la pâte à papier
Dans l'activité hygiène papier-toilette, mouchoirs, essuie-tout (55 % des ventes en France), 70 % des coûts opérationnels sont touchés de plein fouet par ces inflations de coûts. A elle seule, la pâte à papier, importée d'Europe du Nord et d'Amérique latine pour la fibre d'eucalyptus, a vu son cours grimper de 68 % depuis janvier.
Le rebond de la consommation après le Covid(avec la réouverture des restaurants, le retour en entreprise…) a fait gonfler la demande mondiale. La Chine, en particulier, a augmenté ses importations après la fermeture d'usines obsolètes de pâte à papier, à la suite de la COP21. Ce qui explique cette flambée. « Nous devons payer plus cher pour nous assurer d'avoir les stocks suffisants et sécuriser nos approvisionnements », poursuit le dirigeant.
Conséquence, alors que son chiffre d'affaires est stable dans l'Hexagone à près de 1milliard d'euros, les marges sont sous pression. Ce qui menace ses activités. La production de Lotus, Okay et Demak'Up est en quasi-totalité française (99 %), répartie sur 8 sites (dont 6 usines) dans le Loiret, en Normandie et en Alsace, avec 2.500 salariés.
« L'enjeu est de préserver l'emploi et la capacité à investir, plaide Arnaud Lafleur. Depuis 2016, nous avons réalisé plus de 150 millions d'euros d'investissement dans nos usines ».
L'investissement sous tension
L'innovation en faveur du développement durable pourrait aussi être ralentie. Après le papier-toilette sans tube Lotus, le suédois vient de lancer la version essuie-tout avec Okay. « C'est le résultat de cinq ans de recherche de notre centre de R & D mondial en Alsace. Près de 20 millions d'euros ont été investis dans cette technologie que nous sommes seuls à détenir », souligne le vice-président.
Pour contrer l'augmentation des coûts, récurrente depuis une dizaine d'années, et accentuée ces derniers mois, Essity estime ne pas être resté les bras croisés. Le fabricant travaille sur des fibres alternatives à la pâte à papier, produites localement « afin de répartir les risques ».
En 2022, il va ainsi utiliser de la paille de blé pour fabriquer du papier-toilette, récoltée auprès d'agriculteurs français notamment. La production va débuter en Allemagne. L'épaisseur des emballages a aussi été réduite de 20 % en cinq ans, d'où des économies. Et les frais généraux serrés. Mais ça ne suffira pas.
« Le choc est tel, que nous ne pourrons pas absorber seul cet impact, avertit Arnaud Lafleur. Sinon, il faudra réduire la voilure ». La fin des négociations avec la grande distribution est prévue fin février.