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La juxtaposition des crises n’a pas bridé l’activité papetière en 2022, mais 2023 se dessine avec beaucoup d’incertitudes
Source: lemaitrepapetier.ca publié le 14 mars 2023
A l’occasion de sa conférence de presse annuelle, COPACEL a présenté les perspectives de l’industrie papetière pour 2023, dans un environnement économique marqué par la « polycrise ».
En dépit d’un contexte de polycrise, l’activité papetière a été soutenue en 2022
2022 a été caractérisée par l’intrication de trois crises : une poussée inflationniste, qui rogne le pouvoir d’achat des ménages ; une hausse sans précédent des coûts de matières premières (bois, produits chimiques …) et une envolée des prix de l’énergie. En dépit de cet environnement économique, l’activité papetière a été soutenue en 2022. La production des papiers et cartons, qui s’est élevée à 7,1 Mt, est certes en recul par rapport à 2021 (- 3,7 %), mais pour des raisons (arrêts pour conversion de machines à papier, problèmes techniques, sinistres, rationnement de certaines matières premières …) qui ne sont pas principalement liées à une baisse de la demande. De manière similaire à ce qui a été constaté ces 20 dernières années, l’outil industriel a poursuivi son évolution afin d’accroître la capacité de production des papiers et cartons d’emballage et réduire celle des papiers graphiques (ces marchés demeurent structurellement décroissants, même si des tensions ont été vives pour certaines sortes au premier semestre). En valeur, le chiffre d’affaires de l’ensemble du secteur (papier, carton et pâte marchande) s’est apprécié de 31 %, pouratteindre 7,7 milliards d’euros, ceci en raison de la hausse du prix de vente de toutes les familles de papiers et cartons.
Une année caractérisée par une hyperinflation des facteurs de production
Cette hausse marquée des prix de vente a été imposée par la nécessité, pour les entreprises, de répercuter les hausses considérables des coûts de l’énergie et des matières premières. Entre 2021 et 2022, en moyenne annuelle, sur des marchés de gros extrêmement volatiles, le prix du gaz a été multiplié par 2 et celui de l’électricité par 2,5. Cette hausse des coûts de l’énergie s’est diffusée dans l’ensemble de l’économie, et a fortement renchéri des matières premières, comme les produits chimiques, dont l’offre était par ailleurs pour certains très tendue à différentes périodes de l’année. Les cours des bois ont également subi l’impact de cette hausse des prix de l’énergie, car le surcroît de demande pour la « biomasse énergie » (granulés …) a exacerbé les conflits d’usage et poussé fortement à la hausse les matières premières ligneuses (+ 41 % entre 2021 et 2022 pour les Produits Connexes de Scieries). Seul le marché des Papiers et Cartons à Recycler a été épargné par cet impact des coûts de l’énergie. Selon les sortes de « vieux papiers », et l’équilibre de l’offre et de la demande pour chacun d’eux, on observe soit des hausses (journaux et magazines) soit des reculs des cours (caisses en carton).
Le retournement de conjoncture constaté fin 2022 et confirmé en ce début 2023 rend très incertains les prochains mois
Après la forte demande en produits papetiers constatée au premier semestre 2022, la conjoncture s’est dégradée après la coupure estivale et, en ce début d’année 2023, demeure mal orientée. L’amplitude de cette diminution des carnets de commandes, même si elle varie selon les sortes, peut s’analyser comme un « coup d’accordéon » lié à des résorptions de stocks au sein des secteurs clients. Au-delà de cet effet de court terme, la question qui se pose est de savoir sice recul de la demande est la manifestation d’une récession à venir de l’économie, envisagée début 2022, et heureusement non constatée. Les produits papetiers sont en effet très dépendants de l’activité économique du pays (et de l’UE, car 55 % de la production est exportée). Même si des tendances de fond restent porteuses (substitution des emballages en plastiques par des produits cellulosiques, …), un contexte de récession pèsera sur les différents moteurs de la consommation papetière (moindre progression du commerce en ligne, baisse des achats de produits bio …). Le maintien à des niveaux élevés des coûts de production conduit également certains secteurs clients à limiter leur demande (recul de la communication imprimée au profit du numérique …). Enfin, des mesures de nature législative (expérimentation en faveur du « oui-pub », impression sur demande des tickets de caisse …) accélèreront le basculement de certains usages vers le numérique.
Ce contexte rend indispensable la mise en place de diverses politiques publiques
Dans ce contexte en cours de dégradation, il est nécessaire que les pouvoirs publics puissent mettre en place les mesures permettant d’éviter le creusement d’un différentiel de compétitivité entre la France et les autres pays papetiers (qu’ils soient en Europe ou hors de la zone UE). Outre des mesures transversales (fiscalité), qui seront nous l’espérons portées par la future loi « industrialisation verte », plusieurs chantiers prioritaires doivent être ouverts. Pour Christian Ribeyrolle, Président de COPACEL, « un sujet sur lequel nous attendons beaucoup des pouvoirs publics est la possibilité de bénéficier d’une énergie compétitive et décarbonée, ce qui passe notamment par une modification profonde du fonctionnement du marché de l’électricité. Sur le sujet des matières premières, nous espérons que les aides publiques en faveur de la décarbonation se feront sans exacerber les conflits entre la valorisation « matière première » du bois et son utilisation énergétique. Enfin, un autre volet important des politiques publiques concerne la mise en œuvre de la législation issue du Pacte Vert Européen. Cette législation, foisonnante, même si elle poursuit des objectifs que nous soutenons pleinement (réduction des émissions de gaz à effet de serre, préservation de la biodiversité …), outre des problèmes de mise en œuvre, risque d’affaiblir la compétitivité des entreprises ».